Je suis allé voir la conférence de Paul François, en mars 2019, à Lignac. Après avoir écouté et échangé avec cet exploitant céréalier charentais gravement intoxiqué par l’inhalation d’un herbicide, Ludovic Réau a eu le déclic. « Je me suis dit, ça y est, j’y vais. Et je suis allé me notifier à l’agence bio. »
La conversion, cet exploitant céréalier de Saint-Maur (1) y pensait déjà depuis quelques années. « Pendant l’année 2016, avec les conditions climatiques, on s’est pris une grosse claque économique, se rappelle Ludovic Réau. Malgré les intrants, les engrais, les produits phytosanitaires, le temps faisait ou défaisait nos cultures. On ne maîtrisait finalement pas grand-chose. Cette prise de conscience a été un élément déclencheur dans ma réflexion. »
Première année compliquée
Il s’approche du pôle conversion à la Chambre d’agriculture de l’Indre, multiplie les visites d’exploitations bio, « un peu partout en France », suit des formations. « Je ne m’y retrouvais plus d’appliquer la chimie à outrance dans mes cultures, j’avais l’impression qu’il y avait de moins en moins de répondant. » Ludovic Réau se sentait aussi « moins motivé par l’agriculture. Je me disais : “ à 50 ans, soit j’arrête, soit je tente autre chose. ” » Sa rencontre avec Paul François le convainc.
Il décide de passer ses 200 ha vers la bio. « Je me suis posé la question de faire la conversion par étape. Mais je ne me voyais pas cultiver une parcelle bio et, ensuite, sortir le pulvérisateur pour une autre parcelle. » Et, pour être sûr de ne pas reculer, « la première chose que j’ai faite, c’est vendre mon pulvérisateur ».
Ses débuts sont compliqués. « L’automne 2019 était catastrophique, on ne pouvait pas entrer dans les champs à cause de la pluie. J’ai ensemencé ce que j’ai pu. Certaines cultures, je les ai retournées car ça ne convenait pas. » Il voit là un des avantages du bio. « On investit beaucoup moins qu’en conventionnel pour lancer une culture, on peut se retourner si ça ne fonctionne pas. »
La suite est toujours compliquée. « Quand j’ai fait mes études économiques, le blé en conversion se vendait entre 200 et 240 € la tonne. Le cours s’est effondré à 120, 140 € la tonne. » Pas de quoi lui faire regretter son choix. « Pour le moment, c’est une période de transition donc on tend le dos. Mais ce n’est pas plus dur qu’en 2016 et je n’ai pas eu besoin de faire tous les investissements en engrais et produits phytosanitaires. » Après deux ans de conversion, en mai, Ludovic Réau lancera ses premières cultures officiellement bio et voit l’avenir avec sérénité. « Il y aura toujours un petit marché, une niche qui me permettra de rester innovant sur mon exploitation. J’étais plus limité en conventionnel. »
(1) Ludovic Réau a été maire de Saint-Maur d’octobre 2017 à octobre 2020.