À Clessé, au prix d’une nuit blanche, Franck Touraine a globalement préservé ses vergers en activant un système antigel par aspersion. Il espère ne pas y avoir recours en début de semaine.
Les températures négatives sont parfois synonymes de coups de chaud. À l’image des vignerons du Thouarsais, les arboriculteurs ont tremblé en milieu de semaine dernière, en raison des épisodes de gel. Le phénomène tardif, survenu après une vague de chaleur quelques jours plus tôt, s’est révélé redoutable dans certaines cultures.
« C’est un moment où on est sous pression »
À Clessé, les gelées étaient aussi blanches que la nuit de mardi à mercredi vécue par Franck Touraine. Comme d’autres professionnels, il s’en est remis à l’efficacité de son système antigel par aspersion, solution préférée aux bougies et à l’appareil de ventilation.
Il crée une pellicule de glace sur le fruit, une sorte d’enveloppe protectrice qui reste ainsi à 0 °C. Il ne faut pas le lancer trop tard parce que le fait d’arroser provoque immédiatement une baisse de la température d’1 ou 2 °C.
Une image impressionnante du gel. Le fruit, contrairement aux apparences, est ici préservé. | DOCUMENT REMIS
Pour déterminer le moment le plus opportun, l’expérience ne suffit pas toujours. L’appui technologique est aussi précieux. Les sondes météo disposées dans les points bas des vergers, potentiellement les plus sensibles aux gelées, livrent des informations utiles pour déployer les mesures d’urgence. "On peut générer une alerte à la température souhaitée. Personnellement, je la fixe à 0,5 °C." De manière préventive, également, "on tond les pelouses dans les rangs pour réduire la prise de gelée. On essaye de tout faire pour la freiner. C’est un moment où on est sous pression. On n’est jamais à l’abri d’un pépin mécanique, d’un moteur qui lâche. Si l’arrosage a commencé mais s’arrête, c’est une vraie catastrophe. C’est la raison pour laquelle, la veille d’un coup de gel, on teste tout."
Manifestement efficace, "parce que la température n’est pas non plus tombée à – 10 °C comme dans d’autres régions", ce dispositif a limité les dégâts en milieu de semaine passée. Des pommiers et poiriers ont tout de même souffert. "En général, c’est toujours la plus belle pomme qui prend… Il y a aussi le risque d’anneaux de gel. Le fruit est marqué par une collerette sur la peau. On ne peut plus vendre en premier choix. Ce ne sera pas encore visible au moment de l’éclaircissage, mais un peu plus tard."
L’inquiétude de l’arboriculteur n’est pas totalement dissipée. Les jours derniers, il a gelé sur du sec. Avec l’aspersion protectrice, "on a humidifié le sol qui devient plus à risques pour les nuits à venir". Les averses de pluie annoncées pour ce week-end, selon leur ampleur, pourraient être problématiques dans la mesure où de possibles gelées sont annoncées dans les nuits de dimanche à lundi, puis de lundi à mardi.
Une fois ces échéances passées, Franck Touraine pourra davantage se projeter sur sa future récolte. "Nous avons bénéficié d’une superbe préparation. Il y a énormément de fleurs dans les arbres. C’est sans doute lié à la récolte moyenne de l’an dernier. Quand l’arbre se repose bien, il est ensuite plus performant." Un constat aisément transposable à l’Homme.
À savoir : l’essor de la vente directe
Franck Touraine est, depuis 1994, à la tête d’une exploitation arboricole à Clessé baptisée les Vergers des Jouardières. Sur environ dix hectares, il consacre l’essentiel de ses parcelles à une dizaine de variétés de pommes mais aussi à la production de poires. Labellisé Verger écoresponsable, il alimente des grandes surfaces locales, des grossistes et s’appuie également sur la vente directe. "Depuis un an, les volumes écoulés au magasin ont bien progressé", observe-t-il. Six personnes sont employées. Les effectifs sont renforcés par une vingtaine de saisonniers, au moment de la cueillette.
Près de Thouars. Le gel a causé des dégâts dans les vignes
Le vignoble thouarsais a souffert du gel ce mercredi 7 avril, au petit matin. À Val-en-Vignes, où la température est tombée à -2,5 °C, les parcelles de François Martin, notamment, ont été touchées.
L’inspection de ses cultures, en ce mercredi après-midi, a malheureusement confirmé ses craintes. Vigneron installé à Cersay, commune de Val-en-Vignes, François Martin ne cachait pas une forme de dépit à l’heure de dresser un premier bilan. "Tout dépend des espaces mais, à première vue, la perte va de 10 à 50 % selon les parcelles", estime-t-il. "Ce n’est pas facile à chiffrer, à ce stade de développement de la vigne, avec des bourgeons à pointe verte ou dans le coton. Sur les plus précoces, l’aspect grillé est de suite visible. Et il y en a. Et sur la même souche, parfois, il n’y a pas de mal."
« Nous sommes assurés, mais ça ne fait pas tout »
Ce mercredi matin, la température est tombée à – 2,5 °C dans l’Argentonnais. "Le problème, ce n’est pas le froid de ce début avril. Ce sont plutôt les fortes températures de la semaine dernière qui ont généré de la précocité. On a pris de l’avance et ce coup de gel pose problème."
La situation, qui risque malheureusement de ne pas rester inédite avec le dérèglement climatique, interroge forcément le vigneron sur ses leviers d’action. "Pour l’heure, je n’ai mis en place aucun dispositif. Nous sommes assurés, mais ça ne fait pas tout." Par conséquent, François Martin réfléchit désormais à la possibilité de se doter d’équipements adaptés. Il pense en particulier à la solution de Climakiwi, société de Nueil-les-Aubiers qui a mis au point des ventilateurs géants. "En y associant des feux au coin des parcelles, on peut parvenir à augmenter la température de l’air en le faisant circuler, par le brassage du ventilateur." Mais l’investissement a un coût, à soupeser avec "la répétition des phénomènes" redoutée à l’avenir.
blanches, n’ont pas beaucoup dormi de la nuit. "Nous avons fait le nécessaire. Nous étions présents dans les vignes. Nous avons fait des brasiers avec des bottes de paille au bout des rangs »," dit Benoît Blet. Le domaine de 10 hectares, en complète biodynamie – aucun produit chimique n’est utilisé —, adopte un autre moyen de lutte, peu ordinaire. "Nous avons pulvérisé la vigne avec une préparation en biodynamie à base de valériane, et une tisane d’achillée millefeuille." Mais pour le viticulteur, "ce n’est que partie remise. Nous attendons de voir les jours prochains."