Un jardin thérapeutique a été créé à la clinique de l’Anjou, à Angers. Des patientes suivies pour un cancer le cultivent pour penser à autre chose. Cet outil antistress est bénéfique pour leur traitement.
"On fait du sport et maintenant de la jardinothérapie. Ça nous permet de penser à autre chose et de faire de belles rencontres de gens touchés par la même pathologie que nous", confie Nathalie, enthousiaste. "J’ai vraiment découvert le jardinage. Je n’avais pas la main verte", reconnaît Marie. "C’est sérieux mais c’est toujours dans la bonne humeur", complète une autre.
Elle aussi est emballée par les séances de médiation végétale. Un joli jardin vient de pousser à quelques mètres des urgences de la clinique de l’Anjou, à Angers. "On a appris à se dégager du temps pour ça. Et maintenant, chez nous, on se met aussi à cultiver des fraises, des tomates, des œillets d’Inde… J’ai mis des jardinières sur mon balcon", continue Nathalie.
« Le patient a besoin de moi et moi de lui. Il doit être acteur »
Dr Nicolas Paillocher
Chirurgien oncologue
C’est la cinquième semaine que ces femmes suivies pour un cancer se retrouvent autour des bacs de bois pour arroser, tailler, enlever les mauvaises herbes. "Ça nous plaît tellement qu’on ne voudrait pas que ça s’arrête. On déborde à chaque fois", s’amuse Marie. "Et pendant ce temps-là, on ne pense pas à notre maladie".
Le Dr Gérard Lorimier, auteur du livre "Cancer, la nature source de prévention", leur apporte une foule de conseils. L’ancien chirurgien cancérologue est convaincu des bienfaits du jardinage sur la santé. "Les jardins à visée thérapeutique stimulent notre système immunitaire parce qu’ils permettent de déstresser. Le stress chronique entraîne une dépression. Un patient stressé risque de faire plus de complications post-opératoires."
Ce nouvel espace, baptisé Jardin de l’Anjou, permet d’agir sur de multiples aspects : psychologique, moteur, social, dans un but de prévention, de maintien et d’amélioration de la santé. Les uns se mettront au jardinage. D’autres se contenteront de la contemplation. L’essentiel est que chacun y trouve du plaisir et un certain bien-être. Le jardin s’inscrit dans le projet Cité des soins, qui apporte une série d’activités pour accompagner les patients atteints de cancer, dans un esprit de solidarité, de partage et d’échange.
"Il s’agit d’améliorer la qualité de vie des patients en leur proposant une activité physique en groupe et à l’extérieur, pour bénéficier de tous les avantages du végétal sur la santé", résume Clara David, 23 ans, étudiante en dernière année d’ingénierie du paysage à Agrocampus Ouest, qui a mené le projet. Des entreprises et associations partenaires ont offert des matériaux et des végétaux. Et les étudiants du campus de Pouillé ont prêté main-forte pour réaliser le jardin.
"C’est le premier jardin thérapeutique pour l’accompagnement des personnes suivies en cancérologie", se réjouit le Dr Nicolas Paillocher, chirurgien oncologue à la Clinique de l’Anjou. "Les patients doivent être acteurs dans leurs parcours de soins. Ici, ils produisent. Ils reprennent confiance. C’est un tremplin pour la tolérance du traitement et pour la vie d’après."
Clara David est allée faire chauffer de l’eau. C’est l’heure de la tisane, avec les herbes aromatiques produites dans le jardin. "Aujourd’hui, c’est verveine, citronnelle et menthe poivrée". La séance va encore déborder. Personne ne regarde sa montre. Les larges sourires en disent long sur le bonheur qui se partage ici.
Elle fait un tour de France des jardins à visée thérapeutique
Partie à vélo le 10 mai 2021 de Saint-Herblain (Loire-Atlantique), elle reviendra à son point de départ le 15 juillet. Éducatrice spécialisée dans un IME à Saint-Nazaire, Romane Glotain, 24 ans, formée en paysage et horticulture au lycée agricole du Fresne, à Sainte-Gemmes-sur-Loire, a décidé de faire un tour de France de quelque 40 jardins à visée thérapeutique. Elle a créé dans ce but l’association Le jardin des Maux’passants.
"J’ai découvert les excellents retours de ces jardins auprès des personnes âgées touchées par Alzheimer. Ils leur permettent de raviver des souvenirs, des repères spatio-temporels. En psychiatrie, auprès des adultes handicapés, ces jardins permettent de travailler sur l’anxiété, l’autonomie, la valorisation de soi. Tous ces jardins accompagnent le bien-être". En visitant ce mercredi les jardins de la clinique de l’Anjou et du Centre de santé mentale, Romane Glotain ajoutait : "Avec les confinements, il y a eu une prise de conscience que la nature et les jardins étaient indispensables à notre équilibre".
Jardiner pour s’orienter vers le travail
Au centre de santé mentale angevin (Cesame) à Sainte-Gemmes-sur-Loire, l’atelier intersectoriel de réhabilitation psychosociale par le travail (AIRA) accueille 18 personnes en situation de handicap psychique. Elles se retrouvent chaque jour de la semaine, pour cultiver fleurs, fruits et légumes dans les serres des jardins bas. Les usagers ont des pathologies différentes. Ils sont atteints de troubles comportementaux, schizophrénie, dépression, bipolarité, pratiques addictives ou ont des difficultés à s’adapter.
"Ce qui compte ici, c’est le respect du vivant, des plantes et de chacun au sein du groupe. Le respect du temps et de la vie. Chacun trouve son équilibre. Le but est de se sentir digne et utile socialement", confie Sébastien Mainfroid, cadre de santé. "Le vide est mortifère. On vient mettre du sens dans leur parcours de soins. Il s’agit aussi de déstigmatiser. Malgré la maladie, on peut faire quelque chose", assure le Dr Angélique Ragot, psychiatre.
Le grand jardin que les usagers entretiennent, en bord de Loire depuis 1986, les aide à appartenir à une structure, à un groupe, leur permet de s’entraider et de s’orienter vers une activité professionnelle. Les uns n’ont pas eu de formation. Les autres n’ont pas eu l’expérience du travail, parce que la maladie les a éloignés du monde professionnel.
"Certains vivent chez eux, d’autres sont hospitalisés. Ils témoignent tous d’une envie de travailler. L’idée est de les évaluer et de viser à construire ensemble un projet orienté vers le travail", précise Anne Coquel, psychologue.
Les participants à l’atelier, dont les productions sont vendues au personnel de l’hôpital, travaillent ici pendant un maximum de deux ans.