Dans les jours à venir, l’anjou rouge pourrait devenir un vin exclusivement d’assemblage où le cabernet franc et le grolleau seraient associés.
Dans un article paru en octobre dernier dans Le Vigneron du Val de Loire (1), François Martin, viticulteur à Val-en-Vignes et président de la section anjou rouge, ne pensait pas avoir mis le feu aux poudres en déclarant : « Il faut garder à l’esprit que nous avons perdu la moitié du volume en 15 ans. Il faut agir pour sauver l’anjou rouge (2) ». Le viticulteur a proposé que l’appellation en mono-cépage devienne exclusivement un vin d’assemblage où le cabernet franc serait associé au grolleau noir à hauteur de 1 à 49,9 % au maximum. Il ne serait donc plus possible de faire de l’anjou rouge pur cabernet franc.
« Les grands châteaux bordelais replantent du cabernet franc »
Des déclarations qui ont fait bondir Nicolas Reau, vigneron installé à Sainte-Radegonde, près de Thouars. « Les viticulteurs ont déjà le droit d’ajouter du grolleau dans le cabernet franc. Ce qui me dérange, c’est de l’imposer. Selon moi, cette décision va tirer l’appellation vers le bas. Je vends très bien mes vins dans le monde entier. Beaucoup d’investisseurs viennent dans la région en ce moment. Des milliardaires rachètent des domaines. » Un constat partagé par Sylvie Augereau, vigneronne au Thoureil (dans le Maine-et-Loire), journaliste et écrivaine spécialisée dans le vin. « Je suis outrée que l’on impose cette décision. C’est injuste pour le cabernet et les vignerons. Actuellement, les grands châteaux bordelais font machine arrière et replantent du cabernet franc. Il faut continuer à y croire. » Vigneron à Mauzé-Thouarsais, Sébastien Prudhomme, également enseignant en œnologie, ne sait pas si la proposition de François Martin est la bonne ou pas. « Je n’ai pas d’avis. Après, il est vrai que les ventes d’anjou rouge sont à la baisse. Et quand un vin se vend peu, il faut faire quelque chose. Est-ce par la communication, la vinification où les goûts du consommateur ? » Le spécialiste liste les avantages du grolleau. « Il est moins tannique et plus aromatique que le cabernet franc. C’est un vin peu riche en alcool. Cet assemblage permettrait de donner de la rondeur. »
« Il n’y a rien de révolutionnaire »
Interrogé par nos soins et mis en cause par certains vignerons, François Martin n’a pas souhaité s’épancher sur le sujet et attend la réunion d’informations. « Je veux faire les choses dans l’ordre. Je préfère en discuter avec les vignerons avant. Il y aura un vote. Je défends une AOP (3), explique le viticulteur. Le cépage de grolleau est intégré depuis 2008. Il n’y a rien de révolutionnaire. Il faut aussi s’adapter au changement climatique. » Pour Sylvie Augereau, cette décision « va à l’encontre de la gloire du cabernet franc et de son identité. Il y a d’autres moyens de reconsidérer et revaloriser ce cépage ». En rappelant aussi que Le Clos Rougeard est une des vitrines de la Loire et un des meilleurs vins du monde. « À mon sens, il faut réaliser une vraie campagne de communication. » Si l’appellation devient un vin exclusivement d’assemblage, Nicolas Reau prendra une décision forte. « Depuis des années, je refuse de rejoindre vins de France. Si on m’impose le grolleau, je quitte l’appellation anjou rouge. Le cabernet franc est un cépage d’avenir. »
Réunion d’informations à Faye-d’Anjou (dans le Maine-et-Loire), mardi 16 novembre, à 18 h. (1) Une revue pour les professionnels du vin. (2) C’est l’appellation d’un vin rouge sec. Les cépages principaux sont le cabernet franc et le cabernet sauvignon. Il est produit dans les départements du Maine-et-Loire, des Deux-Sèvres et de la Vienne. (3) Appellation d’origine protégée.