Entre ses chevaux de trait - toute sa vie ! -, le travail du cuir et de la terre avec ses 29 blés anciens, Emmanuel Davignon cuit un pain qui émerveille la Gâtine. Huitième étape de notre série sur la vente directe agricole dans les Deux-Sèvres.
À 50 ans, quand on se retourne sur sa vie en regardant bien en face les lumières qui ont éclairé tout ce chemin, il est d’imparables évidences. Établi depuis 2010 dans sa ferme boulangère au bout d’un chemin qui s’entortille à Monchevrier (Vautebis), en pleine Gâtine, Emmanuel Davignon - alias Manu pour tous ceux qui connaissent La Boulange à Manu - n’a pas oublié d’où il vient. Le gamin élevé par son grand-père paysan au pays de Mélusine, à Lusignan (Vienne), a très vite compris « le sens de la valeur travail » transmise par l’aîné.
Et, très vite, il a voulu travailler. « On m’a dit “ t’es trop petit pour être cuisinier ”. Il y avait déjà cette passion pour le cheval, mais impossible de trouver un patron d’apprentissage… alors quand le boulanger qui faisait sa tournée jusqu’à la ferme a eu besoin d’un apprenti, je n’ai pas trop eu le choix », se souvient Manu.
"C’est ça, la vie : le cheval et les rapports humains"
Emmanuel Davignon, paysan-boulanger à Vautebis
La grande lumière, sur ce chemin, cela a toujours été le cheval. « Enlevez-moi mes chevaux et je meurs sur le champ », souffle-t-il d’un air grave, avant d’esquisser un sourire malin à propos de ces amours de chevaux de trait : « Chez le cheval de trait, il y a le percheron… et il y a les autres chevaux ». La ferme compte quinze de ces trésors, forts en besogne, comme lui.
Manu Davignon, ses chevaux et les travaux publics pour débarder forêts et lits de rivières, c’est une longue histoire qui n’a jamais cessé. Il forme encore des hommes à cette spécialité. Lui et ses chevaux furent même sur l’affiche de Trait de vie, le film documentaire de Sophie Arlot et Fabien Rabin.
Quand il n’est pas auprès de ses chevaux, ni à arpenter ses 6 ha de blé (sur 19 ha cultivables) où la fête des battages à l’ancienne illumine l’été d’ici, il travaille le cuir dans son atelier, pour équiper ses chevaux, par économie, par plaisir, par amour de la matière, du métier, du geste et de tout un tas de raisons simples qui font ce qu’est Manu Davignon.
Un vieux blé de 1896
Deux jours par semaine, c’est le pain. Sa farine aux 29 variétés de semences anciennes (dont l’une date de 1896) connaît un succès fou. « Je ne saurais dire dans ma recette ce qui donne à ce pain ce goût si extraordinaire qui n’est jamais tout à fait le même d’une année à l’autre en fonction de la pousse différente de chaque variété de blé… mais c’est un vrai succès. J’aime ce contact avec les gens qui viennent ici le vendredi. C’est ça, en fait ma vie, le cheval et le rapport humain, sachant que pour travailler ensemble l’un et l’autre son indissociables », devise le paysan-fermier.
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Cet hiver, sa discrète Isa, compagne d’une vie et figure lumineuse qui a lancé la ferme avec lui, s’en est allée, enlevée par la maladie. Alors, les temps sont difficiles et les lendemains plus incertains, à la ferme de Monchevrier. Mais, un pas après l’autre, entre la vie de labeur et les chevaux, entre le pain cuit au feu de bois de récup et les cultures sans intrants, Manu avance sur ce chemin qui l’a conduit à s’enraciner dans cette Gâtine qu’il aime profondément. Et quand il se retourne sur son long sillon, il voit de bien belles lumières. Comme Isa. De ces lumières qui éclairent jusqu’aux demains.
- La Boulange à Manu à Monchevier (Vautebis). Page Facebook.- Tél. 06.77.23.70.00.- Spécialités : Pains, flans, galettes briochées (en cette période), brioches et broyés du Poitou.- Vente directe le vendredi de 16 h à 20 h. Marché de Vouillé le dernier vendredi du mois ; foires et marchés de produits fermiers l’été.