Animal emblématique de nos forêts, il est scruté par les scientifiques dans celle de Chizé. Son adaptation face au décalage des saisons est étudiée.
Personne ne leur a demandé leur avis mais pour un chevreuil, il vaut généralement mieux tomber entre les mains d’un scientifique que d’un chasseur. C’est la « chance » qu’a eu la bonne trentaine de spécimens capturés mardi 22 février 2022 dans la réserve fermée du Centre d’études biologiques de Chizé, 2.600 hectares clos au sein de la forêt, qui est un des deux territoires d’étude du cervidé au niveau national.
Mais ces scientifiques pourraient bien avoir de mauvaises nouvelles à leur annoncer. « Le réchauffement planétaire occasionne une arrivée précoce du printemps et des jeunes pousses, cruciales à la bonne santé des femelles allaitantes. » En mai, quand elles mettent bas, elles n’en trouvent plus assez et ne parviennent parfois pas à « emmagasiner toute l’énergie dont elles ont besoin pour la lactation », explique Maryline Pellerin, cheffe de service espèces exploitées à l’Office français de la biodiversité (OFB), qui gère ces captures avec le CNRS et en partenariat avec Zoodysée, le parc animalier voisin.
Le printemps arrive plus tôt pas les naissances
La spécialiste de l’OFB reconnaît « l’impact sur les populations, car les chevreuils ont décalé leur pic de naissance, mais pas du tout assez pour l’instant ». Si la situation n’est pas alarmante à l’heure actuelle, la tendance est suivie de près et c’est en partie à ça que servent ces journées de capture, organisées de janvier à début mars, depuis les années 70.
« Pour mieux comprendre le fonctionnement des populations et donc mieux analyser l’effet du réchauffement sur elles. » Ce sont plus de 220 chevreuils, sur les 350 que compte la réserve, qui vont connaître les joies de cette analyse. D’abord « traqués » par des chiens de chasse, ils sont rabattus vers de grands filets où les attendent la centaine de bénévoles qui participe à l’opération. « Il faut qu’on intervienne dès que la bête est prise dans le filet, raconte Sébastien Billaud, de Zoodyssée. Pour ne pas qu’elle se blesse ou que les chiens la mordent. »
Placé dans une petite cage en bois, le chevreuil est ensuite transporté dans le « laboratoire », où sont réalisés les prélèvements (poils, sang, crottes) sur une petite table où il est maintenu par deux ou trois personnes. Il est également pesé et les femelles ont droit à une échographie. Retransporté sur son lieu de capture, il est ensuite relâché.