Le barrage du Cébron, l’une des deux grandes réserves d’eau des Deux-Sèvres, qui alimente en eau potable plus d’un tiers des habitants du département, est à moitié vide en sortie d’hiver. Une situation jugée « critique ».
Les semaines se suivent et se ressemblent. Sèches. Les rares pluies éparses ne parviennent pas à combler le retard. Si bien que la retenue du Cébron à Saint-Loup-Lamairé est au plus bas. Pas rien quand on sait qu’elle alimente 140.000 personnes en eau potable, c’est-à-dire plus d’un tiers des habitants des Deux-Sèvres.
"Nous avons eu un hiver hyper sec, rarement vu"
À ce jour, « nous avons entre 4,5 et 5 millions de m3 d’eau », indique Philippe Albert, le président de la Société publique locale (SPL) des eaux du Cébron. Autrement dit, la retenue est à moitié vide alors qu’en sortie d’hiver, elle devrait avoir fait le plein. « Une année normale, on devrait être à 11 millions de m3 au mois de mars. Nous avons eu un hiver hyper sec, rarement vu. À la fin de l’année [2021], nous avions à peine 3 millions de m3. Quand il a plu, en début d’année, nous avons récupéré 1,5 million de m3 en l’espace d’un mois mais pas plus et on nous annonce un mois d’avril avec une faible pluviométrie, ce n’est pas très encourageant… », observe Philippe Albert. « On espère quand même qu’il puisse tomber des pluies importantes entre avril et juin. »
« Pour 2022, il n’y a aucun risque de manque sur le département »
Mais pour l’heure, il n’hésite pas à qualifier la situation de « critique », citant en référence deux dates historiques au cours desquelles le barrage trentenaire s’est retrouvé le plus en difficulté.
« En 2017, nous étions quasiment dans la même situation mais nous avions vidangé l’année d’avant pour la première fois donc nous repartions de zéro et l’hiver avait été sec. » Une situation particulière donc car le site avait été volontairement vidé en 2016 pour la première fois de son histoire afin de mener des opérations de maintenance et l’hiver suivant n’avait pas permis de remplir.
Quant à 2005, c’était l’année de la grande sécheresse qui a marqué les esprits. « Nous sommes quasiment dans la même configuration sauf qu’à l’époque, il n’y avait pas d’interconnexion comme aujourd’hui qui permet de sécuriser l’approvisionnement en eau potable. » Une évolution qui change tout pour les habitants.
En effet, malgré ce faible remplissage de l’une des deux grosses retenues du département, l’eau ne devrait pas venir à manquer au robinet. « En quantité d’eau, pour 2022, il n’y a aucun risque de manque sur le département », assure Philippe Albert. De fait aujourd’hui, des infrastructures relient quasiment tous les syndicats d’eau entre eux (et même parfois avec des voisins des départements limitrophes), permettant de voler au secours les uns des autres en cas de pénurie d’approvisionnement ou de pollution et ce, même par anticipation.
« Il ne faudrait pas deux hivers secs de suite »
Au Cébron, justement on a pris les devants pour ne pas se retrouver à sec cet été. « Nous gérons au mieux la pénurie. » Pour économiser la maigre réserve, on va déjà chercher l’eau là où il y en a. « On a commencé à aller en prendre ailleurs, notamment dans la Loire pour le syndicat du Val de Loire. Et dès avril, pour la Gâtine, on va en prendre en Vendée pour être sûrs de passer l’été sans problème. On essaye de gérer et d’anticiper notamment pour les périodes de pointe entre juin et octobre, via des approvisionnements multiples pour que la qualité, la quantité et la pression soient convenables. » Et si la situation perdure, « s’il n’y a pas d’eau jusqu’en septembre-octobre, on a prévu de prendre 0,5 à 1 million de m3 à La Touche-Poupard ». Si ces solutions de secours doivent permettre de tenir des périodes difficiles, le secours mutuel ne peut pas être éternel. « Il ne faudrait pas deux hivers secs de suite. Ce serait très problématique. »
« Nous privilégierons toujours l’eau potable »
« Nous sommes sur une année particulière qui fera référence dans les moyennes basses. » Olivier Fouillet, le vice-président du conseil départemental des Deux-Sèvres en charge de l’agriculture et de la gestion de l’eau ne cache pas que la situation est difficile. « La ressource en eau potable, au regard de la situation climatique de l’automne, s’avère préoccupante, d’autant que les recharges hivernales n’ont pas été à la hauteur. Nous sommes sur la courbe basse. » Concernant les deux grandes réserves du département, « celle du Cébron est à moitié remplie, c’est préoccupant, mais celle de la Touche-Poupard réagit différemment : elle n’était remplie qu’à 53 % le 27 décembre mais en cette fin mars, le taux de remplissage est de 90 %, elle a une recharge beaucoup plus rapide ». Pour le reste, tous les secteurs du département sont approvisionnés par des forages essentiellement, « les nappes phréatiques où se servent les différents syndicats d’eau n’ont pas bénéficié d’une recharge normale. La pluviométrie n’est pas à la hauteur des moyennes enregistrées dans le département ».
"Un scénario tendanciel qui interroge"
Face à ces « périodes très sèches » qui se multiplient, Olivier Fouillet évoque « un scénario tendanciel qui interroge ». Les acteurs essaient d’agir : « Le conseil départemental et tous les syndicats des eaux travaillent pour sécuriser l’alimentation en eau potable de tous les habitants. C’est le cas par les interconnexions mises en place avec les deux grandes masses d’eau qui permettent de sécuriser le sud et le nord du département. » Des syndicats dont il salue le « professionnalisme » : « Ils savent chercher l’eau disponible là où elle est. » Citant l’actuel recours à l’eau de la Loire pour une partie du Nord-Deux-Sèvres : « La Loire n’est pas au plus haut mais trois jours plus tard, elle est dans la mer donc perdue pour la consommation humaine. »
"Nous ne sommes pas dans un bon scénario mais ce n’est pas un scénario catastrophe"
Il estime qu’« il ne faut pas alarmer. De l’eau potable, il y en a encore au robinet. Nous ne sommes pas dans un bon scénario mais ce n’est pas un scénario catastrophe. Cela peut arriver mais aussi être tout à fait l’inverse. L’étude des moyennes montre qu’il y a toujours des situations d’excès et de manque qui arrivent à se compenser ». Alors que les conflits d’usage de l’eau s’intensifient, Olivier Fouillet rappelle que « nous privilégierons toujours l’eau potable à tous les autres usages ». Alors quand le Cébron est à moitié vide, « il n’y a pas d’irrigation possible », confirme-t-il. « Tant que les agriculteurs n’ont pas semé, ils ont la possibilité de ricocher sur une autre plante moins gourmande en eau. »
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