Zéro intrant, l’autosuffisance dans la peau et des races rustiques adaptées aux pâtures de Gâtine : à Sauvigny, Nicolas Paillier est bien plus qu’un éleveur. Treizième étape de notre série sur la vente directe agricole dans les Deux-Sèvres.
Sous le ciel étoilé de Gâtine, un vieux poste radio crépite dans les profondeurs de la nuit. En plein rush printanier de naissance des agneaux, proies de choix pour maîtres goupils, les voix en continu de France Info, c’est un moyen efficace qu’a trouvé Nicolas Paillier pour faire fuir les renards.
Si les informations des bruits des bottes en Ukraine font effectivement détaler les canidés, elles n’ont heureusement que peu de conséquences sur la ferme de Sauvigny à Gourgé, où Nicolas Paillier, 43 ans, Gâtineau pur jus, s’est installé en 2001, misant sur une production bio sans intrant mais avec une inextinguible soif d’autosuffisance. « On est comme tout le monde impacté sur nos déplacements, mais pas sur le coût des matières premières : je produis toutes mes céréales, 6 ha de blé pour nourrir les poules », explique l’éleveur.
Lui qui a hissé ses pâtures à un degré d’amour que l’on imagine même pas, compte jusqu’à 124 ha de prairies sur ses 130 ha où sont élevées 300 brebis, 250 poules pondeuses et 30 vaches. Les jeunes agneaux de l’an passé sont prêts pour la sacro-sainte tradition pascale qui approche à grands pas. Ici, 400 agneaux naissent à l’année, fruits de croisements de races rustiques de petits gabarits adaptées aux prairies « pour donner cette viande saine avec ses propres qualités gustatives, un peu comme un bon vin d’un terroir qui a un caractère différent chaque année », lâche-t-il avec passion.
Une viande respectueuse et généreuse, ne reposant pas sur des races mais sur un système et des pratiques vertueuses Nicolas Paillier, éleveur bio , ferme de Sauvigny à Gourgé (Deux-Sèvres)
Cette philosophie de la prairie élevée au rang de reine, ce seigneur des agneaux bio en a même fait une association avec trois autres éleveurs bovins et ovins bio de Gâtine. C’est Pâtures et papilles, label créé début 2021 pour « une viande respectueuse et généreuse, ne reposant pas sur des races mais sur un système et des pratiques vertueuses ».
« Créer ce lien entre sol et consommateur »
Consommer moins mais mieux et localement face à toute cette profusion hors-sol, c’est évidemment ce qui les anime. Et bien plus que cela. À l’image de Nicolas Paillier qui a replanté 1,5 km de haies entre 2019 et 2021, ils sont aussi de ces agriculteurs garants du maintien de l’ancestral paysage, la biodiversité qui va avec.
« Le projet, c’est de pérenniser l’exploitation dans ces conditions et créer ce lien entre le sol et le consommateur », martèle Nicolas Paillier, qui doit composer avec les aléas comme les sécheresses, ennemies de ces sols sablonneux séchants.
« Capter plus de carbone que j’en émets »
Il a pour projet d’installer des panneaux solaires sur une parcelle pour offrir aussi des zones d’ombres à ses bêtes, produire sa propre électricité, bref pour être encore plus autosuffisant. Avec ce leitmotiv chevillé à l’âme : « Capter plus de carbone que j’en émets », avec les bons conseils de l’Inra. En somme, son fameux cercle vertueux, c’est « faire avec ce que la nature nous donne » en continuant d’être « un paysan heureux, tout le temps en plein air et sans pression ».
On trouve les produits (agneaux, œufs) de Nicolas Paillier et de la ferme de Sauvigny, aux Plaisirs fermiers (zone commerciale Mendès France à Niort), dont il est un des associés. Tél. 06.80.47.96.25.
UN PORTRAIT DE LA "PETITE FRANCE AGRICOLE"Elles et ils font l’agriculture dans les Deux-Sèvres. Néo-ruraux exilés, jeunes avec leurs nouvelles idées et pratiques ; ou plus anciens, natifs d’ici, garants d’un savoir-faire et d’une forte tradition désormais mâtinée de la nécessaire évolution du métier, ils ont opté pour la vente directe des fruits de leur labeur.Le premier confinement de 2020 a particulièrement mis en lumière les vertus du circuit court, tendance forte dans les Deux-Sèvres aussi. Dans cette nouvelle série, à suivre au gré d’une rencontre paysanne toutes les deux semaines, c’est également en creux un portrait actualisé de l’agriculture dans cette « Petite France agricole » d’aujourd’hui, surnommée ainsi pour sa diversité si représentative de ce que l’Hexagone rural offre à manger à ses habitants.Si vous avez manqué les précédentes rencontres :1. Audrey Philippe, fromagère au pays des trognes à Soudan.2. Agnès Ravailleau, le safran du Moulin à vent, à Argentine (Saint-Généroux).3. Jean-Fabrice Mimeau, fruits, légumes et viande d’agneaux (ferme bio de la Jaudronnière Saint-Pardoux-Soutiers).4. Adrien Millet, truites de l’ERL Pisciculture de Cerzay (Assais-les-Jumeaux).5. Pierre et Nicolas Valteau, canards gras de l’Élevage de l’Hermitage (Chambroutet, Bressuire).6. Christelle Aubouin et Nicolas Girard, La Miellerie de Titelle à Thorigné (Aigondigné).7. Béatrice Brunet et Olvier Drouineau, Au Potager Mignon à Prin-Dérançon.8. Manu Davignon, paysan-boulanger à Vautebis, La Boulange à Manu.9. Séverine Le Pigeon, éleveuse de chèvres et transformation de produits laitiers, ferme de Loujeanne à Brûlain.10. Francky Blanc, éleveur de salers et volailles, Ferme de La Gerbaudie à Cours.11. Sabine et Jérôme Cosson, huile de noix, noisette, tournesol, colza, chanvre, Le Pressoir des Maisons blanches à Limalonges.12. Aurélie et Arnaud Piot, Nature Gâtine (magasin de vente directe agricole et élevage de volailles), ferme de La Draunière à Mazières-en-Gâtine.