Le troisième rapport du Giec, sorti lundi, insiste sur les actions possibles pour éviter une vraisemblable catastrophe économique et humaine.
"Les preuves sont là. Le temps de l’action, c’est maintenant". Comme à chaque nouvelle publication du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), les mots sont dosés. Et plus on avance, plus ces mots pèsent lourd.
Le monde est déjà engagé dans une trajectoire du réchauffement climatique à 3 °C par rapport à l’ère préindustrielle d’ici la fin du siècle et des effets irréversibles sont déjà constatés.
Lundi 4 avril, l’organisation rendait public le rapport du troisième groupe de travail, « Atténuer le changement climatique » (1), qui dresse les défis à entreprendre pour limiter ce réchauffement à 1,5 °C ou 2 °C.
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Préparé depuis trois ans par 278 scientifiques du monde entier, ce document synthétise près de 20.000 publications scientifiques sur les tendances passées, présentes et futures d’émissions de gaz à effet de serre ainsi que les mesures à adopter pour les faire baisser, préalable nécessaire à un monde encore vivable à moyen et long terme.
Dans ce rapport, le Giec ne préconise rien. Il en laisse la charge aux dirigeants politiques et économiques, mais présente à ceux-ci les moyens d’action possible pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous vous listons ici six conjectures tirées de ce rapport.
1. Il faut très vite réduire les émissions de gaz à effet de serre
Les modèles mathématiques listés par les auteurs du Giec dans ce rapport indiquent tous que, pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C et même 2 °C, le pic des émissions de gaz à effet de serre doit être passé d’ici 2025. Ce qui ne veut pas dire qu’il reste trois ans pour agir.
« Chaque émission de gaz à effet de serre évitée réduit le changement climatique et ses effets, réduit les risques, les pertes et les dommages. Il n’est jamais trop tôt pour agir », a précisé l’une des auteurs français du rapport, Céline Guivarch, dans Le Monde.
Pour un réchauffement climatique limité à 1,5 °C, les émissions doivent baisser de 27 % d’ici 2030 et de 63 % d’ici 2050.
2. La contribution de tous les secteurs est nécessaire
Dans les secteurs de « l’industrie, la production d’électricité, le transport, l’agriculture et le bâtiment », les émissions de gaz à effet de serre poursuivent leur hausse. Seules les émissions issues de l’industrie fossile ont baissé mais leur très haut niveau contribue déjà beaucoup au réchauffement climatique.
3. Les ressources et flux financiers sont suffisants à l’échelle du monde mais il faut les réorienter
Des instruments de régulation politique et économique ont « déjà été déployés avec succès », note le rapport du Giec. Ils peuvent encourager une baisse d’émissions « massives » et « stimuler l’innovation » s’ils sont déployés à une plus grande et plus large échelle. Le rapport prend l’exemple de la taxe carbone, qui permet d’encourager des process moins polluants et permet de dégager des ressources supplémentaires pour la lutte contre le changement climatique.
Le rapport pointe aussi l’avantage pour les pays à mettre fin aux subventions aux énergies fossiles. Il faut toutefois encourager l’aide financière aux pays en développement, dont les ressources pour mettre en œuvre des politiques écologiques sont insuffisantes.
4. Accélérer la transition énergétique au profit du renouvelable, bon marché et efficace, est urgent
Les objectifs de limitation du réchauffement climatique sont incompatibles avec l’utilisation d’énergies fossiles, alors qu’elle sont encore prévues pour être exploitées pendant longtemps. Les installations renouvelables (solaire, éolien) sont les meilleurs moyens de substitution à ces énergies fossiles.
Selon le Giec, elles sont aussi le moyen le moins onéreux pour limiter le réchauffement climatique. Le nucléaire est peu mentionné, sinon pour dire qu’il présente moins d’atouts que le renouvelable.
5. Les meilleurs alliés pour capter du carbone sont les écosystèmes, qui doivent être préservés
Les trajectoires « Zéro émission nette » à l’horizon 2050 ne signifient pas une élimination complète des émissions de gaz à effet de serre, mais qu’elles peuvent être compensées par leur absorption par la végétation.
Les actions dans le secteur de « l’agriculture, la foresterie et autre utilisation des terres » présentent le plus fort potentiel pour limiter le réchauffement climatique. Parmi les pistes : préserver et restaurer les écosystèmes ; réduire la déforestation et planter des arbres ; séquestrer le carbone par des pratiques agricoles comme le non-labour.
6. Le rôle important de la société dans ce défi climatique
Le rapport du Giec insiste sur les avantages à agir sur la « demande », c’est-à-dire sur les comportements des consommateurs, qui peuvent réorienter l’activité économique dans un sens plus favorable à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Outre les incitations ou les infrastructures, le rapport insiste sur les « facteurs socioculturels », notamment le rôle des consommateurs dans l’alimentation. Un « changement de régime alimentaire », riche en protéines végétales plutôt qu’en protéines animales, est associé dans le rapport du Giec à une baisse des émissions.
(1) Le premier groupe de travail s’est attelé aux explications physiques du système climatique et de son dérèglement, le deuxième sur les conséquences, les vulnérabilités et l’adaptation au changement climatique.