Ces toiles de soie qui enrubannent des arbustes d’un voile blanc en ce moment sont l’œuvre de chenilles d’hyponomeutes. Spectaculaire mais sans danger selon des spécialistes qui expliquent ce que c’est.
Certains les trouvent hideuses et angoissantes version Halloween, d’autres y voient des œuvres d’art style emballage à la Christo. Toujours est-il que ces toiles blanches épaisses qui enrubannent les végétaux visibles en ce moment dans les haies champêtres ou les jardins ne laissent pas indifférents suscitant beaucoup d’interrogations. Toiles d’araignées géantes ? Chenilles processionnaires ? Pyrales du buis ? Rien de tout cela. Renseignements pris auprès de spécialistes, ce sont des nids de chenilles d’hyponomeutes (ou yponomeutes), un papillon de nuit blanc à points noirs.
« Peur que ce soit la chenille processionnaire »
« Cette famille de papillons de nuit est particulièrement active cette année dans les haies pour nous dresser d’importants cocons. Les fusains et troènes sont particulièrement touchés en ce moment » observe Nicolas Cotrel, le directeur de Deux-Sèvres nature environnement. « En tant que jardinier médiateur, je vois en effet que les fusains se font dévorer par les chenilles » note aussi Florian Migault du CPIE de Gâtine poitevine aux Châteliers.
Faute de savoir précisément ce que c’est, certains contactent la Fredon (Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles). À l’ancien siège régional picto-charentais, à Mignaloux-Beauvoir (Vienne), « nous avons beaucoup de signalements en Deux-Sèvres, dans la Vienne, en Charente-Maritime et en Charente, cela touche tous les territoires » constate Sabine Llobet. « Une ville de Charente-Maritime a même appelé parce que les habitants avaient peur que ce soit la chenille processionnaire ! Ce n’est pas tous les ans qu’il y en a autant ». À Vienne nature, Samuel Ducept, chargé d’études en entomologie, n’observe, lui, pas de phénomène particulier cette année : « C’est tous les ans pareil. Mais aujourd’hui, dès que les gens voient quelque chose, ils sont plus inquiets ».
"Il n’y a pas du tout de dangerosité"
Alors justement, une fois que l’on sait que ce sont des hyponomeutes, y a-t-il des raisons de s’inquiéter ? Tous les interlocuteurs sont unanimes : aucun danger, que ce soit pour les humains, les animaux ou les végétaux mis à rude épreuve qui vont héberger bien malgré eux ce nid douillet. « Il n’y a pas du tout de dangerosité, ce ne sont pas des chenilles urticantes » poursuit Samuel Ducept. Florian Migault peut en attester un peu malgré lui : « Sans faire attention, j’ai dû passer un peu trop près des arbustes lundi, j’en avais plein sur moi, ça ne m’a rien fait ». Pas de risques pour les animaux non plus donc.
"Pas très esthétique mais en général, pour la santé de l’arbre, il n’y a pas de problèmes"
Quant aux arbustes dans lesquels elles s’installent, les feuilles sont mangées mais ils devraient s’en remettre. « L’hyponomeute ne fait qu’une seule génération alors c’est vrai qu’elle dévore les feuilles. Mais après, elle s’en va, se transforme en papillons et c’est fini. Ce n’est pas très esthétique mais en général, pour la santé de l’arbre, il n’y a pas de problèmes. La toile va disparaître très vite et les feuilles vont repousser. C’est assez spectaculaire mais tout repousse ».
Des toiles de protection
La toile est tissée non pas pour capturer des proies comme pour des araignées mais « pour former un lieu de vie protégé où elles vont vivre nombreuses dedans ». Samuel Ducept explique que « ce sont des chenilles qui vivent en groupe, grégaires, qui tissent ces immenses toiles dans un but de protection » reconnaissant que « cela peut faire un peu peur parce qu’elles peuvent aller jusqu’à défolier complètement des haies » mais il confirme aussi qu’« en général, les végétaux repartent bien après ».
Faut-il intervenir quand les feuilles des arbres sont dévorées par ces chenilles ?
Voir les feuilles de ses arbres et haies dévorées par les chenilles d’hyponomeutes ne laissant que des branches emprisonnées dans de grandes toiles peut susciter désolation et envie d’intervention. Inutile et même absolument à éviter car ces chenilles ont leur place ici et jouent un rôle dans la biodiversité. « Ce sont des espèces bien de chez nous, pas exotiques », attestent les spécialistes. « Après deux à trois semaines, elles vont s’en aller et l’arbre devrait repousser. » Pas d’inquiétude à avoir sur une éventuelle invasion sur les végétaux d’autres essences dans le jardin et une intervention serait contre-productive. « L’autre jour, un agent communal est venu me voir parce qu’on lui avait dit de couper tout ce qui était plein de chenilles, ça ne sert à rien », témoigne Florian Migault. « Il faut que les gens se méfient si on leur propose des traitements parce que sur des insectes qui n’ont qu’un cycle et qui s’éteint, ça sert à rien. Ça va partir aussi vite que c’est venu », assure Christophe Suire de la Fredon des Deux-Sèvres. Et si les chenilles se régalent des feuilles de l’arbre, il ne faut pas oublier qu’elles peuvent elles-mêmes ensuite régaler les oiseaux à proximité. « Surtout en ce moment, en pleines nichées, pour nourrir les petits », rappelle Samuel Ducept.