VRAI/FAUX. Le manque de précipitations hivernales fait craindre une sécheresse précoce. Et les prévisions météo n’incitent pas à l’optimisme.
Avec quatre mois de cumul de précipitations déficitaires, comme l’indiquent les données de Météo-France, cela fait craindre de nouveau une sécheresse précoce un peu partout dans le pays.
Surtout, les prévisions à court terme indiquent de fortes chaleurs, sans précipitations, avec des températures dépassant largement les 25 °C dès dimanche ce 8 mai et toute la semaine prochaine n’incitent pas à l’optimisme. On fait le point sur la situation.
Les niveaux des rivières et des eaux souterraines sont largement déficitaires.
Vrai. C’est le cas particulièrement dans le sud-est, l’ouest et le centre-ouest de la France. « Il y a eu une très mauvaise recharge hivernale, au moment où tout se joue pour les nappes phréatiques. C’est assez inquiétant », confirme Violaine Bault, hydrogéologue au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui établit chaque mois un bulletin de situation sur les nappes souterraines. En Charente et en Vendée, les niveaux des nappes sont annoncés par le BRGM comme « très bas ». « On rencontre ces niveaux une fois tous les dix ans », relève Violaine Bault. En revanche, la situation est plus positive dans les Hauts-de-France, en Normandie ou en Île-de-France.
Ce qui a causé ces mauvaises recharges, ce sont les faibles pluies de cet hiver, qui continuent en ce printemps. Les quatre mois qui viennent de s’écouler ont été plus secs que la normale. « La fin de la recharge s’est faite avec deux ou trois mois d’avance », indique l’hydrogéologue, et l’avancement des plantes au printemps ne permettra pas une recharge efficace même en cas de pluies.
Des restrictions d’usage de l’eau, à cette période, c’est du jamais vu.
Faux pour la plupart des zones concernées. Au 3 mai, dix départements sont soumis à des arrêtés locaux de limitation des usages de l’eau et quatre autres sont en état de vigilance. Si, pour l’Indre, qui a pris un arrêté préfectoral de vigilance le 24 avril, c’est un record de précocité, ce n’est pas le cas pour les autres zones.
Un tel déficit de pluviométrie a déjà été observé en 2019 mais la dernière grande sécheresse précoce au niveau national date de 2011. Elle avait été constatée dès le mois d’avril dans une vingtaine de départements, et notamment en Poitou-Charentes. Des arrêtés classés au niveau « crise » concernaient mi-avril l’ensemble des départements de la Charente et des Deux-Sèvres, et certains bassins des Deux-Sèvres et de la Vienne l’année suivante. Avant 2011, la sécheresse précoce de 1976 s’était prolongée jusqu’à l’été.
Les récoltes s’annoncent catastrophiques.
Trop tôt pour le dire. Même si la situation actuelle et les prévisions météo n’incitent pas à l’optimisme, tout n’est pas perdu pour les cultures. Concernant le blé, il s’agit d’une phase cruciale de croissance de la plante, qui doit chercher avec ses racines l’eau en profondeur. La période actuelle grignote le potentiel de production mais des pluies bienvenues d’ici la fin du mois de mai pourraient rattraper la situation.
Pour les cultures de printemps, comme le maïs, les conditions étaient parfaites pour l’ensemencement mais elles ont besoin d’eau pour lever. L’irrigation a déjà commencé dans certaines régions.
Il y a le risque d’une sécheresse record.
Vrai. Ces premiers mois de l’année 2022 cochent toutes les cases. Avec quatre mois de cumul de précipitations déficitaires, les données de Météo-France indiquent que ce cumul n’a jamais été aussi faible depuis 2011, année de sécheresse précoce. C’est par ailleurs le troisième trimestre « février-mars-avril » le plus sec depuis la création des données, en 1959. L’indice d’humidité des sols n’est pas à son plus bas au niveau national mais la météo risque d’assécher davantage les sols dans les prochains jours.
Les prévisions à court terme indiquent de fortes chaleurs, sans précipitations, avec des températures dépassant largement les 25 °C dès dimanche 8 mai et jusqu’à la semaine prochaine. La façade ouest de la France est particulièrement concernée. Les perspectives à long terme de Météo-France privilégient un scénario « plus chaud que la normale » sur l’ensemble de la France pour les mois de mai-juin-juillet, et « plus sec que la normale » sur la moitié sud de la France.
Ces épisodes de sécheresse vont s’accentuer avec le dérèglement climatique.
Vrai. En réalité, c’est déjà le cas. Les épisodes de sécheresse se multiplient. Sauf en 2021, la France a connu chaque année depuis 2016 « une sécheresse de grande ampleur à l’échelle nationale », note le réassureur français CCR. L’an dernier, c’est un été maussade et pluvieux qui a rattrapé le déficit de précipitations du printemps.
Le rapport Impacts, adaptation et vulnérabilité du Groupement intergouvernemental pour l’évolution du climat (Giec), sorti en mars, identifie déjà une fréquence plus importante des vagues de chaleur et des sécheresses sur les trente dernières années. Particulièrement pendant les saisons printanières et estivales, tandis que les précipitations tendent à augmenter en automne et en hiver. Et annonce la couleur : au-delà de 2 °C d’augmentation par rapport à l’ère préindustrielle, la fréquence des canicules va augmenter et il faut s’attendre « à des pertes de production agricole dues à la conjonction de conditions chaudes et sèches ». Le Giec prévient aussi que, même « si l’irrigation est une solution efficace pour compenser les pertes agricoles dues au stress hydrique et aux sécheresses », l’adaptation sera de plus en plus dure, en raison de la baisse de la disponibilité en eau.
SECHERESSE DANS LES DEUX-SEVRES : DES RESTRICTIONS POUR L’USAGE DE L’EAU
Depuis mercredi 4 mai, 8 h, la préfecture des Deux-Sèvres impose des mesures de restrictions de l’usage de l’eau, via un arrêté en date du 3 mai. L’important déficit pluviométrique constaté depuis septembre 2021 a conduit à prendre cette décision. La période actuelle est la troisième la plus sèche depuis vingt ans. « Les conditions météorologiques récentes, avec une pluviométrie très faible enregistrée depuis plusieurs semaines, se traduisent par la poursuite de la baisse du niveau des nappes et des cours d’eau, ce qui a conduit à prendre de nouveaux arrêtés de restriction des prélèvements d’eau dans plusieurs sous-bassins versants : le Lambon, Mignon-Courance et l’Aume-Couture », précise la préfecture dans un communiqué. L’irrigation agricole avec des prélèvements directs dans le milieu naturel, hors dérogation, est interdite dans les sous-bassins du Lambon et de Mignon-Courance tous les jours ; dans celui de l’Aume-Couture, trois jours par semaine (mercredi, vendredi, dimanche).
Pour les particuliers, les collectivités et les professionnels, il est interdit d’arroser les jardins potagers entre 8 h et 20 h, d’arroser les pelouses et massifs fleuris, les espaces verts et terrains de sports, de remplir les piscines privées (sauf remise à niveau), de laver les véhicules chez les particuliers et le lavage par des professionnels est encadré.