Avec "En quête de demain", 50 titres de la presse quotidienne régionale et Sparknews se sont associés pour partager des initiatives citoyennes qui répondent aux crises que traversent nos sociétés contemporaines.
"En quête de demain" - Edito, par Nicolas Vanier
La nature a été le fil conducteur de ma vie. Tout petit déjà, je trottinais derrière les bottes de mon grand-père l’écoutant me raconter les arbres, les chevreuils et les palombes. Je l’aidais au travail de la ferme, et ensemble nous partions à l’affût dans un arbre en bordure de plaine observer les animaux à la tombée de la nuit.
Des bois de ma sologne natale, aux crêtes enneigées des montagnes rocheuses, au cœur de la forêt boréale, dans la taïga sibérienne ou encore à fleur d’eau sur le lac Baïkal, je n’ai jamais cessé depuis d’être fasciné par les merveilles de la nature. J’y ai vécu mes plus belles émotions et lui ai consacré toute ma vie. Dès l’obtention de mon diplôme dans un lycée agricole, j’ai négocié la suite de mes études puis organisé toute mon existence pour rester fidèle à une citation d’Antoine de Saint Exupéry « Fais de ta vie un rêve, et d’un rêve, une réalité ».
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Un précepte que j’ai respecté 40 années durant, m’appliquant à donner vie à mes rêves.. Remonter du sud au nord toutes les montagnes Rocheuses pendant 18 mois, traverser l’Alaska en canoë jusqu’au Détroit de Béring, puis m’aventurant dans une longue expédition de deux ans en Sibérie. Laponie, Carpates, péninsule de Kola, Mandchourie, Canada encore, d’Ouest en Est… Dans tous ces pays d’en haut, j’ai parcouru quelque 60 000 kilomètres sur la neige ou sur les fleuves gelés avec mes chiens de traîneaux. L’été, c’est à cheval, à dos de rennes, en canoë ou encore sur des radeaux que j’ai traversé les immensités sauvages. Seule cette lenteur, propre à des moyens de déplacements naturels, permet de comprendre et de respecter ces territoires.
Une vie en harmonie avec la nature
J’ai vécu avec des indiens, des Inuits, des nomades éleveurs de rennes, auprès d’eux j’ai touché à ce qu’il y a de plus important à mes yeux : cette faculté à vivre dans et avec la nature. Une relation quasi-amoureuse fondée sur l’échange, où chacun prend et restitue sa part contribuant ainsi à maintenir l’équilibre.
C’est cette vie en harmonie avec la nature dont j’ai souhaité témoigner dans certains de mes films comme « Le Dernier Trappeur » ou encore « Loup ». Montrer comment aujourd’hui des hommes savent encore vivre dans une certaine « sobriété heureuse » – pour reprendre le titre d’un livre du regretté Pierre Rabhi – des hommes qui peuvent nous réapprendre à conjuguer un peu plus le verbe être plutôt que le verbe avoir. Car dans cette fuite éperdue de croissance, nous avons perdu nos repères et semé trop de misères, engendré trop de dégâts, certains irréparables comme la disparition de quantités d’espèces et plus largement le dramatique déclin de la masse de la biodiversité.
Tous les voyants sont au rouge
Nous ne pouvons plus prospérer sur l’illusion d’une croissance sans fin. Ce projet de société ne tient plus. C’est ce que le dernier rapport du Giec, comme les précédents, rappelle encore une fois, cette urgence absolue de réagir pour réduire les conséquences dramatiques des changements climatiques.
Impossible d’ignorer que tous les voyants sont au rouge. L’étau se resserre : avec la guerre à nos portes, les risques de pandémie, les événements climatiques et l’effondrement de la biodiversité, notre vulnérabilité et notre dépendance en énergie, en métaux, en matières premières et denrées alimentaires nous imposent de réduire nos besoins et de substituer au diktat de la croissance sans fin une autre idée du progrès, non plus indexé sur le seul PIB, mais qui intègre d’autres indicateurs comme le bien-être, la cohésion sociale et le partage. Ces valeurs mêmes qui sont celles que j’ai apprises et comprises auprès de ces peuples qui vivent encore dans la nature mais qui sont aujourd’hui très injustement les premiers impactés par les modes de vie « occidentaux ».
Choisir d’agir maintenant dans nos territoires
Face à nous, deux cas de figure : soit nous restons dans l’illusion que nous pourrons continuer dans cette fuite en avant en produisant toujours et encore plus pour posséder davantage, malgré les limites planétaires, soit nous envisageons enfin d’adopter une manière de vivre compatible avec la réalité : celle qui impose de repenser nos comportements afin de maintenir l’habitabilité de la planète pour nos enfants et nos petits-enfants.
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C’est à la fois un défi immense car nous vivons dans un monde sous emprise, drogué aux énergies fossiles, mais des solutions existent et l’aventure promet d’être passionnante pourvu que nous soyons réactifs et capables de mettre autant d’énergie, de génie et de créativité à réparer ce que nous avons détruit de cette nature qui, rappelons le encore une fois, n’appartient à personne et dont nous devons veiller à ce que ses ressources soient équitablement disponibles pour tous les êtres vivant sur terre maintenant, ici, là bas et demain.
Ce sera sans aucun doute la seule voie pour éviter les conflits et espérer maintenir la paix. Choisir d’agir maintenant dans nos territoires pour vivre mieux demain ou subir demain notre inaction dans un monde devenu menaçant et dangereux.
Alors qu’attendons- nous ?
En avant !