Marqueur emblématique de Thouars, le blason en mosaïculture dessiné près du rond-point de la Subilène est une rareté qui nécessite du soin et des choix.
Les blasons sont un peu les gardiens des traditions. Celui de la ville de Thouars ne déroge pas à la règle. À chaque printemps, il prend forme au-dessus du rond-point de la Subilène et de ses drapeaux. Un tableau vivant, en toute majesté, comme un clin d’œil au château des Ducs de la Trémoïlle qu’on aperçoit au loin, surplombant le Thouet. Cette carte postale est devenue un marqueur emblématique de l’image de la cité au fil des ans. Et même des décennies, puisque ce blason est cultivé ici depuis 1978.
Un savoir-faire en voie de disparition
« En moyenne, 12.000 véhicules passent chaque jour sur ce rond-point », note Patrice Thomas, conseiller municipal chargé des espaces verts. Et comme depuis 44 ans, on ne peut pas le rater, cela offre donc une sacrée visibilité pour des millions de paires d’yeux. « Quand on voyage dans la grande région, les gens nous en parlent », témoigne l’élu.
Mais cette belle image, qui participe à faire de Thouars la seule commune deux-sévrienne labellisée « quatre fleurs » (depuis 1998), exige beaucoup de soins. Raison pour laquelle la collectivité est l’une des dernières à pratiquer la mosaïculture. « Cette technique apparue à l’époque de Louis XIV avait un peu disparu, avant de revenir vraiment à la mode en France vers 1860, explique Yann Coutarel, responsable du service espaces verts et propreté. Depuis le début du 20e siècle, elle a été peu à peu abandonnée. Cela vaut le coup de préserver ce savoir-faire en voie de disparition, mais cela demande du temps, de l’énergie et de l’eau. »
À Thouars, 98 % de la superficie totale des espaces verts est gérée en fleurissement durable, c’est-à-dire sans aucun arrosage.
Yann Coutarel, responsable du service espaces verts et propreté Ville de Thouars
Une problématique brûlante en ces temps très arides. « C’est une question de choix, répond-il. Si on décide de faire ça, on ne fait pas autre chose. Mais on y passe moins de temps qu’en 1978, car les techniques ont évolué. » Les mentalités aussi. Gaspiller l’eau, cela fait des remous. Or avec ses 6.500 plantes de sept variétés différentes (bégonia, géranium, ageratum, coleus, alternanthera…), dont 1.100 environ pour chacun des deux dragons, ce blason naturel en a bien besoin.
« La mosaïculture est plus gourmande en eau qu’une végétalisation classique, mais c’est justement là qu’il faut faire des choix, indique Yann Coutarel. À Thouars, 98 % de la superficie totale des espaces verts est gérée en fleurissement durable, c’est-à-dire sans aucun arrosage. »
« Végétaliser la ville au maximum »
> Préparatifs. « Le dessin du blason ne change jamais, mais il se prépare environ un an à l’avance », explique Gilles Sourisseau, chef de l’équipe Subilène-centre, l’un des quatre secteurs gérés par la quarantaine d’agents du service espaces verts et propreté, avec le centre touristique (notamment le parc Imbert), l’est (Missé, Talencia) et l’ouest (Mauzé et Sainte-Radegonde). « Les premières boutures sont lancées en novembre dans les serres municipales, qui abritent 33.000 plantes annuelles. Début mai, on passe trois jours à préparer le terrain, puis trois à quatre jours pour planter et une demi-journée pour le paillage. On adapte les dates en fonction des saints de glace (du 11 au 13 mai), qui restent un vrai point de repère pour tous les jardiniers. Parce que si ça gèle, il faut tout refaire ! Ensuite, on arrose trois fois par semaine, on sarcle une fois par semaine et on taille au début des mois de juillet, août et septembre. »
> Label. Depuis 1998, Thouars est la seule ville du département estampillée « quatre fleurs » (lire plus bas). Ce qui n’est pas incompatible avec le développement durable. « Aujourd’hui, sans une gestion différenciée (économe en eau, NDLR), ce n’est même pas la peine de demander le label, confie Yann Coutarel. Moins de 10 % de la note dépendent du fleurissement et du visuel et 90 % reposent sur cette gestion, avec de nombreux critères : participation citoyenne, biodiversité, accessibilité, etc. C’était l’inverse dans les années 1960… De toute façon, on ne fait pas ça pour le jury quatre fleurs mais pour les habitants. »
> Climat. Rien que sur le périmètre du Thouars « historique » (sans les communes déléguées), il y a aujourd’hui 3.850 arbres. « On en a planté 100 de plus cette année et on souhaite monter à 150 par an. L’objectif est de végétaliser la ville au maximum pour réduire les îlots de chaleur, annonce Yann Coutarel, qui observe un changement des mentalités dans la population et voit même revenir de la faune et de la flore qu’on n’avait plus l’habitude de croiser. Même en centre-ville, il faut laisser de la place à la nature. Avec le dérèglement climatique, toute végétation est bonne à prendre. »
Frédéric Michel