Repenser les qualités de l’espace publique ?
Pour qui ? Comment ?
Jeudi 22 Novembre à 20h - Théâtre de THOUARS
Cette conférence très attendue, programmée l’année dernière, et n’ayant pas pu aboutir pour des problèmes de disponibilité de Pierre Donadieu, peut enfin avoir lieu. Une soixantaine de participants se sont pressés au théâtre pour écouter sa conférence illustrée d’une heure. Elle a été suivie d’une heure un quart de débat passionnant à faire regretter aux absents de ne pas être là….
Le paysage est notre affaire
La conférence pour l’association Terra Botanica était la suite de celle donnée le 14 novembre 2018 à la médiathèque de Thouars la semaine d’avant. Intitulée Entre Arts et sciences, le paysage est-il notre affaire ? elle peut se résumer ainsi :
- Le paysage désigne le milieu de la vie humaine et non humaine, il est à la fois en nous mentalement et de manière sensible, et en dehors de nous matériellement,- Il suppose une méthode collective de création et de gestion (élus, experts, habitants) pour construire ce milieu,- La qualité d’un paysage est définie par :
les aspirations communes des populations (Convention européenne du paysage de Florence (2000)
Les services écosystémiques du milieu, Millenium ecosystem assessment (ONU, 2005) : c’est-à-dire ceux d’approvisionnement, d’environnement, sociaux et culturels fournis par les écosystèmes (en bonne santé…)
L’espace public, pour qui ?
Nous avons en commun les usages de l’espace public que chacun perçoit, où chacun fabrique ses paysages (mentaux). En sciences sociales et philosophie, l’espace public est l’espace de l’expression publique (Fig. 1). En urbanisme, c’est l’espace support des usages publics, accessible à tous, avec des règles sociales (propreté, sécurité, embellissement…).
Fig. 1 Thouars, place Lavault, expression publique sur le marché.
L’espace public est une notion complexe. Le sol peut appartenir à la collectivité publique ou privé (un parking de supermarché par exemple). On parlera alors d’espace privé publicisé ou les utilisateurs sont des clients, des consommateurs. L’espace public peut s’adresser à des promeneurs, des touristes ou à des joggers (une rue, un musée, un chemin rural). Certains usagers peuvent être sensibles à ce qu’ils voient (les paysages). Enfin, l’espace public change comme le montre le désert commercial de la rue Saint-Médard. C’est aussi le lieu de la protestation sociale (les ronds-points des Gilets jaunes).
Qui fabrique l’espace public ?
Ce sont les pouvoirs publics (commune, intercommunalité, département, Région, État) en mobilisant souvent les entreprises privées, et parfois les associations. Qu’il s’agisse d’entretenir la voirie ou le monument aux morts des guerres, de concéder l’usage de la rue à des usages privés (restaurants) ou associatifs, d’embellir les lieux importants grâce à l’action des jardiniers et des paysagistes, d’organiser des animations festives ou non, de faciliter la mobilité cycliste et piétonne, d’accompagner la transition énergétique (éoliennes, capteurs solaires), et ainsi de créer de nouveaux paysages contemporains. Qu’il s’agisse d’anticiper la montée du niveau de la mer sur le littoral, de conserver les patrimoines naturels et culturels, et de définir les règles d’urbanisme. Dans tous les cas, l’espace public n’est plus limité à l’espace de la propriété publique, il s’étend à tout ce que nous pouvons percevoir avec tous nos sens : les paysages. L’usage de l’espace privé visible devient l’affaire de tous à la ville comme à la campagne.
Quelles qualités ordinaires de l’espace public ?
Les qualités classiques attendues ne se conçoivent pas en dehors des défauts qu’elles remplacent. La sécurité publique suppose de mettre fin à l’insécurité qui menace les usagers et les biens (vols, agressions, aléas climatiques, accidents. …) ; la propreté, des services de nettoyage efficaces et permanents ; l’embellissement, de créer et d’entretenir des lieux attractifs, là où ils sont attendues (les entrées de villes par exemple) ; l’échange marchand, d’élaborer des règles locales de concession, et de limiter la publicité ; l’animation festive, de rendre attractif les lieux publics, centraux ou périphériques. Enfin, faut-il ignorer la ségrégation sociale ou bien favoriser la mixité des quartiers urbains ou ruraux ?
De nouvelles qualités sont-elles attendues ?
Accessible à tous par définition, l’espace public suppose des compétences nouvelles, car la société évolue et ne désire pas les mêmes choses qu’il y a 50 ans. De nouvelles pratiques sont apparues. En mobilisant des artistes et des designers (créations contemporaines) ; en laissant place à la beauté, au rêve et à la poésie plutôt qu’au spectacle des équipements fonctionnels ; en trouvant de nouvelles utilisations des friches ferroviaires ou industrielles dans la perspective des transitions climatiques et énergétiques, et des loisirs. En bref, en racontant dans l’espace public des histoires locales ou non, et en y associant les habitants de manière démocratique (démocratie participative et délibérative). Les habitants savent aussi bien sinon mieux que les experts ou les élus ce qui leur conviennent. Encore faut-il vouloir et savoir les associer !
Choisir les qualités de l’espace public est un enjeu de politique locale :
- Pour les habitants citoyens qui devraient partout être mis au centre des projets locaux- Et avec les acteurs publics et privés des projets de territoire
En combinant localement de mille façons (démocratiques) la demande des habitants et l’offre des élus. Le paysage des espaces publics est notre affaire, pas seulement celle des experts.
http://www.bordeaux.fr/p51020/le-pa…
http://www.bordeaux.fr/l24461/angel…
Pierre Donadieu
2 Février 2019