René de Litardière avait 30 ans en novembre 1918 lorsqu’il fut affecté comme médecin auxiliaire à Saumur dans un hôpital militaire pour faire des prélèvements sur les soldats atteints de la grippe espagnole : « Effrayant et pire que la guerre », dira-t-il souvent. Il était originaire de Mazières-en-Gâtine, où vit actuellement son fils Bernard, 88 ans, confiné par une autre pandémie, celle du Covid-19, et qui a retrouvé des photos sur plaque de verre de cette période.
Une hantise des rats
Son père évoquait souvent l’ampleur de cette épidémie, apportée des États-Unis en France par les soldats américains, et qui avait fait plus de morts que la pourtant très meurtrière guerre 1914-1918. Après une scolarité niortaise à Fontanes, puis des études de médecine à Poitiers, René de Litardière avait été mobilisé et envoyé à Verdun, à l’hôpital militaire, où il avait fait presque toute la guerre comme médecin auxiliaire. Entre autres souvenirs, il en gardera toute sa vie une hantise des rats et des souris, vecteurs de tant d’infections. Quand on regarde la photo de 1919 sur laquelle René de Litardière fait des prélèvements destinés à être ensuite analysés, on est aujourd’hui étonné de voir l’absence de protection ‒ ni masque, ni gants, ni distance ‒ mais au contraire une apparente décontraction. En un an, René de Litardière n’a pourtant pas été contaminé par la grippe espagnole. Il a néanmoins toute sa vie été confronté à des bronchites, aggravées au demeurant par la cigarette, appendice masculin très généralisé au XXe siècle.
« La diphtérie du timbre-poste »
Scientifique de renommée mondiale dans son domaine, la biologie végétale, René de Litardière a notamment laissé une collection exceptionnelle de fougères, dont l’une porte d’ailleurs son nom, la Herniaire de Litardière. Il deviendra directeur de l’Institut de botanique de la faculté des sciences de Grenoble, jusqu’à sa retraite en 1954. Il correspondait avec le monde entier. Enfant, son fils Bernard se souvient d’avoir eu la diphtérie. Il avait fallu faire des analyses car il n’aurait pas dû l’avoir une deuxième fois. Il était très à plat et sa mère le remontait à l’huile de foie de morue, en plus des séances de rayons. Enquête menée, le germe fut découvert sur la gomme d’un timbre-poste, que Bernard collectionnait, sur un courrier venu d’un correspondant argentin. Chez les de Litardière, la chasse aux risques microbiens était toujours ouverte. « Ma mère lavait les poireaux trois fois, se souvient Bernard de Litardière, et mon père se méfiait des fruits exotiques. » Les bananes elles-mêmes étaient lavées avant d’arriver sur la table !