Familière de nos campagnes avec son vol soyeux à la tombée du soir, la chauve-souris n’a pas bonne presse depuis décembre. Accusée d’être un foyer réservoir de coronavirus, elle pourrait effrayer. « Il n’y a pas de crainte à avoir, rassure tout de suite Laurent Arthur, naturaliste expert des chiroptères – leur famille scientifique. Tant qu’on n’en mange pas ! C’est un animal habitué à l’homme, mais qui ne s’en approche pas à plus de quatre ou cinq mètres. »
« Les écoliers du 19e siècle apprenaient leurs bienfaits »
Dans le Centre et le Poitou, on dénombre vingt espèces de chauves-souris toutes insectivores (et dévoreuses d’araignées aussi). Il y en a trente-quatre en France, et même une trente-cinquième en cours de reconnaissance, « un nouveau petit murin », nous apprend Laurent Arthur. « Les chauves-souris sont toutes protégées en France depuis la loi de 1976 », rappelle celui qui est aussi directeur adjoint du muséum de Bourges et a passé sa vie à les étudier aux côtés de Michèle Lemaire, conservatrice. « Elles étaient alors très menacées, notamment par les pesticides détruisant les insectes, et donc leur nourriture. »
Les colonies sont bien remontées en plus de quarante ans. « Actuellement, celles qui portent le terme de “ commune ”, comme la pipistrelle commune ou la sérotine commune ne vont pas bien : elles sont tuées par les éoliennes car elles pratiquent le haut vol, déplore le naturaliste. Le chat est un autre prédateur… »Quand on trouve un animal blessé, il faut s’adresser à un refuge spécialisé. « Même si en ces temps de confinement c’est compliqué », reconnaît Laurent Arthur qui a aiguillé au téléphone une dame dans le sud de la France.
Apparemment, la mauvaise réputation des chauves-souris daterait du début du 20e siècle. « J’ai parcouru de nombreux vieux grimoires, raconte le passionné. Et nulle part au Moyen Âge on en dit du mal… Sous Jules Ferry, au 19e siècle, les écoliers apprenaient ses bienfaits anti-insectes, comme pour le hérisson… C’est le cinéma qui a commencé à créer des mythes de château hanté et d’araignées… »
Retour donc à cette sagesse ancienne, où vivre avec la nature allait de soi. « Si on a un rhinolophe dans sa cave ou une pipistrelle dans ses combles, on peut s’en approcher tranquillement et les voir à quelques mètres. Si on le fait régulièrement, les chauves-souris s’habituent à notre présence. La science participative fonctionne bien, les gens sont réceptifs. Cela leur donne envie de mieux comprendre. Fin mai, nous commençons un comptage des colonies dans le Cher. »
Et puis les chauves-souris dévorent le moustique porteur du chikungunya ou la pyrale du buis. « Je croise les doigts pour que cette crise nous ouvre les yeux encore plus, qu’on réfléchisse collectivement à nos rapports à la nature. Voir une sérotine s’élever dans le jardin au crépuscule, ça nous remplit l’âme… »
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