Malheureusement, les efforts ne paient pas toujours. Depuis 2016, la communauté de communes du Thouarsais est engagée dans le programme Life Croaa, mené par la Société herpétologique de France, visant à lutter contre deux espèces invasives d’amphibiens : la grenouille taureau et le xénope lisse. C’est cette dernière qui pose problème dans le nord Deux-Sèvres, prospérant au détriment des grenouilles et tritons autochtones. « Aujourd’hui, nous n’arrivons pas à stopper sa propagation », regrette Mathilde Levielle, récente directrice du service biodiversité, eau, espaces naturels à la communauté de communes. « Malgré plusieurs années de mise en place du programme, nous n’obtenons pas de résultats concluants. »
Trois protocoles de piégeage
La faute à une espèce particulièrement bien armée pour pulluler dans la région. La collectivité a placé deux des sept agents du service à temps plein sur la problématique, et tente le piégeage par trois biais. D’abord, au niveau des stations de lagunage de la communauté de communes, entourées de grillages parsemés de seaux qui vont capturer les envahisseurs à peau lisse. « Cela fonctionne très bien, car on peut attraper certains jours jusqu’à une centaine d’individus. »
Malheureusement le champ d’action est limité. Si bien qu’il faut faire appel à un réseau de bénévoles, des propriétaires d’habitations comportant des mares, qui tentent, de leur côté, de capturer les xénopes. « Ils ont suivi une formation pour opérer. La réussite de cette stratégie dépend de la motivation et de l’intérêt de chacun », explique Mathilde Devielle. En 2019, cela a représenté 8 % des animaux capturés (738 sur 9.278). Enfin, la troisième stratégie consiste à laisser le technicien piégeur disposer ses nasses dans une quarantaine de mares privées. « Il y place des croquettes pour chiens, ou une femelle pour attirer des congénères. On essaie de voir quelle stratégie fonctionne le mieux. »
Malgré tout, ces stratégies ne suffisent pas à endiguer l’infestation. « Aujourd’hui, nous ne sommes pas en mesure de savoir combien il y en a sur le territoire, mais on sait qu’en l’état actuel des choses, nous ne pourrons pas l’arrêter. » Le programme Life Croaa est censé se terminer fin 2021. Faudra-t-il le renouveler ? « Il y a peu de chances. Ce sera à la communauté de communes de continuer à mettre un dispositif en place, mais avec moins de moyens. » Au risque de voir exploser davantage les populations de ce mangeur de grenouilles.
Une origine africaine
Le xénope lisse, de son nom scientifique Xenopus laevis, est originaire d’Afrique australe. Utilisé pour la recherche scientifique, notamment du côté de Bouillé-Saint-Paul, il a été accidentellement relâché dans la nature et investit désormais le Thouet et la Loire. Il s’adapte très vite aux divers environnements qu’il rencontre et se retrouve même dans des eaux saumâtres et salées, là où on ne le pensait pas capable de résister. Son succès découle de plusieurs caractéristiques : une capacité de colonisation rapide, car il possède des griffes qui facilitent sa mobilité, il pond trois à quatre fois par an un nombre très important de têtard. Plus fort, encore : ceux-ci, s’ils naissent à une période plus défavorable, où les niveaux d’eaux sont bas (en été), sont capables de s’enfouir dans la terre et de stopper leur croissance, le temps que les conditions deviennent plus favorables. Ainsi immobiles, ils constitueraient des proies faciles… si seulement ils n’étaient pas cachés.