Pourquoi avoir postulé pour être jurée du Prix du Livre Inter ?
Delphine Demoures (1). « Ce jury populaire composé de lecteurs attisait beaucoup ma curiosité. En février, quand j’ai appris qu’il serait présidé cette année par l’écrivain Philippe Lançon, je me suis lancée : j’ai écrit pour postuler. Philippe Lançon est ce journaliste rescapé des attentats de Charlie-Hebdo, il a écrit “ Le lambeau ”, un livre qui parle de la résilience et qui m’a bouleversée. Je me suis dit que, outre voir l’envers du décor de ce prix, ce serait une belle occasion de le rencontrer et échanger avec lui. »
Sur les 2.400 postulants cette année, les vingt jurés ont été choisis sur la lettre qu’ils ont adressée à France Inter. Qu’avez-vous écrit dans la vôtre qui vous a fait sortir du lot ?
« Franchement, j’ai été la première surprise quand Eva Bettan, la journaliste qui pilote le concours, m’a annoncé au téléphone que j’étais sélectionnée. J’imagine que ce qui a fait la différence, c’est la sincérité de ma lettre. Je crois l’avoir écrite comme une lectrice, pas en tant que libraire. J’ai évoqué sobrement mon parcours, la question de la culture de classe… Tout simplement. »
Quel rapport au livre entretenez-vous ?
« Je suis née dans une ferme. Grâce à la lecture, j’ai pu m’ouvrir au monde sans quitter ma terre, mon petit territoire. Les livres n’étaient pas nombreux dans la maison de mon enfance, c’est ce qui les a rendus à mes yeux si précieux. Les bibliothèques municipales et les CDI restent pour moi de vrais refuges… »
Le confinement complique-t-il ou simplifie-t-il votre mission de lectrice-jurée ?…
« Pendant les dix premiers jours, honnêtement, ça a été compliqué : j’avais énormément de mal à me concentrer sur ce que je lisais. On se retrouve dans un tel état de sidération, il faut s’adapter à des conditions inédites… Mais, depuis, j’ai retrouvé un rythme de lecture, j’arrive à nouveau à apprécier. Pour le concours, la chaîne du livre étant totalement bouleversée, les éditeurs nous ont adressé les livres en version numérique. Heureusement, j’en avais déjà certains chez moi, j’ai trouvé les autres à la librairie. Ce qui est plus ennuyeux, c’est que le débat et le vote qui devaient nous réunir à Paris les 6 et 7 juin se résumeront à un échange et une délibération par visioconférence le dimanche 7 juin… »
Déjà un titre préféré ? « Oui. Mais je n’ai pas le droit de le dire… »
Le Prix du Livre Inter 2020 sera annoncé le lundi 8 juin. Les dix livres en lice sont « Le ghetto intérieur » de Santiago Amigorena (POL), « Love me tender » de Constance Debré (Flammarion), « Propriété privée » de Julia Deck (Minuit), « Vie de Gérard Fulmard » de Jean Echenoz (Minuit), « Les services compétents » de Iegor Gran (POL), « Le monde n’existe pas » de Fabrice Humbert (Gallimard), « Papa » de Régis Jauffret (Seuil), « Cora dans la spirale » de Vincent Message (Seuil), « Avant que j’oublie » d’Anne Pauly (Verdier), « Eden » de Monica Sabolo (Gallimard).
(1) Avant d’arriver à Niort, Delphine a travaillé cinq ans à la Librairie du Théâtre du Rond-Point à Paris.