Le bonheur serait-il dans le potager ? La ruée dans les jardineries du département, accentuée depuis le début du déconfinement, pourrait le laisser penser. En parties rouvertes, avec des formules drive ou de livraison pour certaines pendant le confinement, elles avaient déjà pu percevoir un engouement accru pour le jardinage. Mais la tendance s’est véritablement confirmée avec le déconfinement et un retour à une ouverture « normale » depuis le 11 mai.
« Normale » si l’on peut dire puisque les jardineries ont été prises d’assaut. Et les mesures de sécurité sanitaire ajoutées à l’afflux massif d’amateurs de jardins ont parfois occasionné de longues files d’attente devant les jardineries, avec en plus le retour du beau temps après un épisode de froid.
Une nouvelle clientèle
« Les gens informés et les habitués étaient déjà venus depuis un mois, mais là, c’est vrai qu’on a vu un engouement le week-end après le déconfinement », témoigne Alain Bonneau, le P-DG du magasin VillaVerde à Niort, route d’Aiffres, qui a embauché cinq étudiants pour faire face au surcroît d’activité. Pour des questions de sécurité sanitaire, le nombre de clients présents simultanément en magasin est limité. « C’est cinquante maximum, alors il y a parfois un peu la queue dehors. » Mais la patience n’est-elle pas la première qualité du jardinier ? Deux faits notables sont constatés ici comme ailleurs. D’abord, le « gros succès » des plantes potagères, selon Alain Bonneau, avec au hit-parade : les tomates, courgettes, concombres et plantes aromatiques. Et puis l’arrivée de nouveaux clients, qui se mettent à cultiver leur potager pour la première fois, avides de renseignements : « On le voit car certains sont un peu perdus, ils ne connaissent pas et demandent des conseils. »
« Apprendre à jardiner aux enfants »
À la jardinerie Delbard à Parthenay, la même affluence a été enregistrée une fois les saints de glace passés. « Par trois fois, le samedi, nous avons dû stopper les entrées », là aussi pour éviter que trop de personnes ne se retrouvent en même temps dans le magasin et pour faire barrière au virus. Même avant le déconfinement, la jardinerie a ressenti un attrait pour le jardin, au regard du succès de son service de livraison inédit dans un rayon de 35 km autour de Parthenay, toujours en place. « De nombreux clients qui n’avaient jamais fait leur potager auparavant s’y sont mis, puisqu’ils avaient le temps. C’était aussi une occasion d’apprendre à jardiner aux enfants, de produire sa propre nourriture… » observe Emmanuel Fillaudeau, le gérant de la jardinerie Delbard à Parthenay. Lassés peut-être aussi de déguster des tomates rouges brillantes aux allures de balles en plastique dont le calibre parfait n’a d’égal que l’absence totale de goût. Voire, tout simplement, soucieux, de s’occuper les mains et l’esprit à défaut de pouvoir aller bien loin. « Comme les gens n’avaient pas le droit d’aller se promener en forêt ou à la plage, jardiner, c’était aussi un moyen de canaliser le stress, comme bricoler. » Là aussi, on a vu de nouvelles tranches d’âges arriver : « En général, pour les plantes du potager, c’est plus à partir de 45 ans et les retraités, mais là, nous avons vu des gens de 30 à 45 ans. » Évidemment, le chiffre d’affaires a chuté avec la fermeture initiale et la réouverture d’abord partielle, mais « depuis le 11 mai, nous le récupérons ». Avec l’arrivée de ces nouveaux jardiniers donc et « un panier moyen qui a fortement augmenté », passé de 28 € à 38 € en magasin et de 90 € en moyenne en livraisons. « Je pense que ce sera durable », estime Emmanuel Fillaudeau. « Les gens en ont un peu ras-le-bol du tout fait, il y a cette tendance à faire des choses soi-même, au fait maison. » Avec, en prime, le bonheur de déguster le fruit de son labeur, la saveur en plus.