Sur la carte de France du risque de sécheresse présentée le vendredi 15 mai par le ministère de l’Écologie, le département des Deux-Sèvres (comme la Charente) apparaît en jaune, couleur représentant un risque jugé « possible » (1).
Pourquoi un tel risque en Deux-Sèvres alors que le département a connu un mois de mai relativement arrosé après d’interminables précipitations cet hiver ? « Que les Deux-Sèvres soient exposées à ce risque n’est pas spécifique à cette année 2020 », explique le directeur départemental des Territoires Thierry Châtelain en rappelant que le risque de sécheresse a toujours été ici plus fort que dans d’autres départements. « C’est lié à la nature du sous-sol. Le tiers nord du département repose sur un sol granitique, très imperméable, il y a très peu de poches souterraines pour retenir l’eau. Dès lors, dans les longues périodes sans pluie, les niveaux des cours d’eau baissent rapidement. Dans le sud, on est plutôt sur un plateau calcaire. S’il y a de nombreuses nappes souterraines, leurs pentes naturelles sont telles que l’eau est chassée vers l’extérieur du département. » Autrement dit, nos nappes phréatiques se chargent aussi vite qu’elles se déchargent.
« C’est la 6e situation la plus favorable de ces 25 dernières années »
A ce jour, la situation n’inspire aucune inquiétude. Mieux, le DDT la dit « rassurante » : « Parce que l’hiver a effectivement été très pluvieux », confirme Frédéric Montigny, chargé d’études au sein de l’Agence régionale de la biodiversité Nouvelle-Aquitaine (ARB). Les mois de novembre, décembre et mars ont d’ailleurs été particulièrement excédentaires : 186 mm de pluie tombée en novembre à Niort, soit deux fois plus que la moyenne pluriannuelle de 93 mm. Au point, a calculé M. Montigny, qu’au 26 mai 2020, nous avons connu la sixième situation la plus favorable de ces vingt-cinq dernières années avec 85 % des stations de mesures des nappes affichant des niveaux d’eau supérieurs à la moyenne. Si, l’an passé, année exceptionnellement sèche, plusieurs interdictions de pompages avaient déjà été signées à cette époque, ce printemps 2020 n’a connu qu’un seul seuil d’alerte, sur le bassin Mignon-Courance : déclenché le 4 mai, il a toutefois été effacé dès le 11 mai, après les fortes pluies (2).
Nos barrages sont eux-mêmes remplis à bloc : à 99,2 % pour la Touche-Poupard (soit 14,97 millions de m3 sur 15), à 96 % pour le Cébron (10,6 millions de m3).
Premières restrictions d’ici quinze jours ?
Pour autant, la vigilance reste de mise. Car si les niveaux (tant des nappes souterraines que des cours d’eau) restent relativement bons pour le moment, on sait la situation précaire puisqu’ils peuvent vite dégringoler : « S’il ne pleut pas dans les prochains jours, surveille le DDT Thierry Châtelain, on pourrait imaginer devoir prendre les premières restrictions de pompage d’ici deux semaines. Dans l’Argentonnais, notamment. Comme tous les ans ». À l’ARB, Frédéric Montigny garde aussi un œil sur les débits de nos rivières qui, depuis avril, continuent de diminuer : seule la Sèvre niortaise affiche un débit à peu près conforme (90 % de son débit moyen à Azay-le-Brûlé, 73 % à Niort), la quasi-totalité des autres cours d’eau (Thouaret, Argenton, Ouin, Ouine, Chambon) a un débit inférieur à la moitié de ce qu’il devrait être. Faut-il y voir un premier symptôme de cette sécheresse « possible » ? « Non, pas forcément, explique Frédéric Montigny. Tout simplement parce que nos cours d’eau sont très réactifs aux pluies. Il suffirait qu’il pleuve quelques jours pour que leurs débits regagnent en puissance… ». Sauf que les prévisions météo pour les semaines à venir annoncent plutôt un début d’été chaud et sec…
Chaque mois, découvrez une synthèse de la situation hydrologique du département dans le bulletin mis en ligne par l’Agence régionale de la biodiversité sur www.biodiversite- nouvelle-aquitaine.fr (1)
La Vienne figure en orange, pour un risque qualifié de « probable » car supérieur, quand Vendée et Charente-Maritime ne sont pas concernées par le risque. (2) À Melle, par exemple, il est tombé 80 mm de pluie au lieu des 65 mm de moyenne.